7 questions à Nicolas Petit – Lyon Days – 2025

7 questions à Nicolas Petit – Lyon Days – 2025

LYON DAYS 2025

 

A l’initiative de l’UNADREO, la majestueuse ville de Lyon accueillera du 25 au 28 août 2025, la première édition des Lyon Days. Il s’agit d’une nouvelle occasion de rencontres internationales en orthophonie/ logopédie. Chaque jour une thématique sera abordée par un expert du domaine. Les intervenants s’appuieront sur des données scientifiques probantes et proposeront des temps dédiés à l’amélioration des pratiques orthophoniques/logopédiques.  Nous avons choisi de vous présenter ces intervenants à travers une série de portraits intitulés : « 7 Questions à…»

Monsieur Nicolas PETIT interviendra le 26 août 2025 sur Evaluer la pragmatique de  l’adolescent et de l’adulte en s’appuyant sur l’APACS-Fr.

7 Questions à Nicolas Petit

Propos recueillis par Catherine Salomon, co-responsable des Lyon Days 2025

Nous connaissons vos travaux sur le Trouble du Spectre de l’Autisme, est-ce dans ce cadre que vous interviendrez durant les Lyon Days ?

En partie, oui : j’interviendrai sur l’évaluation de la pragmatique, qui est particulièrement importante dans l’autisme puisque cette condition est (par définition) caractérisée par des particularités pragmatiques. Mais cette compétence est très susceptible de perturbations, et les troubles pragmatiques sont donc fréquents. On les observe dans de nombreuses autres conditions neurodéveloppementales (TDAH, trouble du langage, trouble des apprentissages…), neurologiques (AVC, traumas, conditions neurodégénératives) ou psychiatriques (schizophrénie notamment).

Est-il possible d’évaluer la pragmatique sans utiliser de test spécifique ? 

Oui… et non… La pragmatique s’exprime largement dans les interactions sociales, qui sont par nature difficilement standardisables. Il est donc difficile de s’épargner une observation clinique et de s’appuyer seulement sur un test standardisé. Mais ces tests sont importants pour étayer la démarche clinique globale, pour en renforcer la robustesse et la fiabilité. Et en particulier pour justifier l’indication de prise en charge. Dans cette journée de formation, j’évoquerai plus particulièrement comment nous pouvons nous appuyer sur l’APACS-Fr, un outil que nous avons adapté de l’Italien pour évaluer les adolescents et les adultes, à partir de 14 ans.

L’évaluation de la pragmatique permet-elle d’effectuer un diagnostic différentiel ?

Oui, ce n’est jamais le seul élément à prendre en compte bien sûr, mais c’est un élément important du diagnostic, pour les troubles du neurodéveloppement et pour les troubles neurologiques. Nos collègues italiens ont par exemple démontré que l’APACS permettait de mettre en évidence des patterns de déficits pragmatiques spécifiques entre la maladie de Parkinson et d’autres conditions neurologiques. Il y a également des arguments forts qui poussent à intégrer l’évaluation de la pragmatique en psychiatrie de l’adulte, puisque cela peut être un marqueur important, mais les pratiques doivent encore évoluer pour cela.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la prise en soin orthophonique/logopédique de la pragmatique ? 

La pragmatique est au fondement même de ma conception de notre métier d’orthophoniste, mais je trouve que cela peine encore à trouver sa place dans nos pratiques, souvent très centrées sur la question du langage, qui est certes très importante mais… pas au point de négliger son utilisation réelle, qui nous permet de naviguer dans la vie de tous les jours ! Les chiffres confirment que l’évaluation pragmatique est encore rarement intégrée aux bilans de façon systématique. Et en même temps… je suis le premier à le reconnaitre : la pragmatique, quel bazar ! Personne ne sait vraiment expliquer où ça commence, où ça finit, alors de là à l’évaluer correctement, et à intervenir efficacement… C’est sans doute ce qui m’a poussé à m’engager dans mes travaux de recherche, d’ailleurs. Mais avec l’expérience, je me rends compte que beaucoup de choses sont possibles, que le défi est certes important, mais que l’enjeu l’est encore plus ! J’essayerai de mettre à profit mon expérience clinique, scientifique et pédagogique pour clarifier ces choses-là lors de cette journée de formation.

La santé mentale est érigée en Grande Cause Nationale Française en 2025. La littérature scientifique et la clinique permettent-elles de faire des liens entre santé mentale et atteinte de la pragmatique ?

Oui ! L’impact de ces déficits sur la qualité de vie des personnes est considérable, en particulier pour l’insertion sociale, éducative et professionnelle, et l’établissement de relations sociales épanouissantes, qui sont un déterminant important de la santé mentale, et de la santé tout court. Je le vois bien dans ma clinique, et certains travaux scientifiques démontrent par exemple que les difficultés pragmatiques sont un prédicteur important de difficultés comportementales ou de trouble internalisé de type anxiété et dépression, plus encore que des difficultés de langage formel. D’autres études ont démontré qu’une intervention sur la pragmatique, dans la schizophrénie, avait un impact positif sur la qualité de vie, trois mois après la fin de l’intervention.

Votre production scientifique est impressionnante. Bravo ! Quels conseils pourriez-vous donner à des orthophonistes cliniciens qui souhaitent participer à des projets de recherche scientifique ?

Merci ! Ma position intermédiaire entre la clinique et la recherche n’est pas toujours confortable, mais j’ai l’impression qu’elle répond à un besoin. Je regrette souvent de voir les difficultés qu’ont ces deux mondes à communiquer. Chez beaucoup de collègues cliniciens, je constate soit un défaut de légitimité – comme s’ils n’étaient pas assez bien pour la recherche – soit à l’inverse une posture de rejet, dans laquelle c’est la recherche qui n’est pas assez bien pour eux, car elle est vue comme déconnectée des pratiques, donc inutile. Évidemment ce n’est ni l’un ni l’autre, et la recherche comme la clinique ont tout intérêt à discuter. D’autant que je me rends compte que le raisonnement clinique et le raisonnement scientifique ont beaucoup en commun, c’est donc un bon terrain commun pour échanger ! Mon conseil à mes collègues cliniciens est donc : allez-y ! Bien sûr, vos compétences méthodologiques sont moins acérées que celles des chercheurs, mais votre compréhension des patients et des problèmes qu’ils rencontrent sont très précieuses pour eux. Écrivez aux gens, aux laboratoires, aux universités, c’est parfois difficile d’avoir des réponses mais ça vaut le coup. D’un point de vue pratique, encadrer un mémoire (ou mieux : le co-encadrer avec un chercheur) est souvent une très bonne façon de mettre un pied dans cet environnement.

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Il y aurait encore plein de choses à ajouter, mais nous manquerions de temps… Heureusement les Lyon Days seront une bonne opportunité d’aller plus loin et d’échanger de vive voix autour de cette thématique !

Qui est Nicolas Petit ?

Orthophoniste docteur en sciences cognitives, praticien-chercheur à Lyon,

Formation

2023 : Doctorat en sciences cognitives de l’Université Lyon 1 (ED NSCO), préparée au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CRNL) et à l’hôpital Le Vinatier, sous la direction de Jérôme PRADO, CR CNRS HDR (CRNL équipe EDUWELL-BBL), co-direction Ira Noveck, DR CNRS (Laboratoire de Linguistique Formelle, Université de Paris).

2017 : Master 2 Sciences Cognitives parcours Neuropsychologie et Neurosciences Cliniques, coaccrédité Université Lyon 2 et École Normale Supérieure de Lyon

2016 : Certificat de Capacité en Orthophonie, Université Lyon 1

2015 : Licence de Sciences de la Réadaptation, Université Lyon 1

2012 : Licence de Sciences du Langage, Université Toulouse 2

Activité

Depuis 2024 : Attaché Temporaire d’Enseignement (50%), Université Lyon 1, ISTR ; CRNL équipe EDUWELL

Depuis 2022

– Expert auprès de la Haute Autorité de Santé

-Reviewer de revues scientifiques

Depuis 2017 : Pratique orthophonique hospitalière, Le Vinatier Psychiatrie Universitaire (Lyon Métropole, France, CDI, 50%), psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent

Bibliographie

Petit, N., Geoffray Cassar, M.M., Baltazar, M. (under review). Some (but not all) pragmatic inferences are difficult for autistic children.

Petit, N., Mengarelli, F., Geoffray Cassar, M.M., Arcara, G., Bambini, V. (under review). When do pragmatic abilities

peak? APACS-Fr psychometric properties across the life-span.

DOI: https://doi.org/10.31234/osf.io/un8xr

Petit, N., Jurek, L. (2024). Choir as a Metaphor for Neurodiversity. Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry.

DOI: https://doi.org/10.1016/j.jaac.2024.11.018

Petit, N., Bambini, V., Bischetti, L., Prado, J., Noveck, I. (2024). How do theory of mind and formal language skills impact metaphoric reference comprehension during children’s school-age years. Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, and Cognition.

DOI: https://doi.org/10.1037/xlm0001381

Petit, N., Noveck, I., Baltazar, M., Prado, J. (2024). Assessing theory of mind in children: a tablet-based adaptation of a classic picture sequencing task. Child Psychiatry and Human Development.

DOI: https://doi.org/10.1007/s10578-023-01648-0

 

Merci Nicolas ! A très bientôt aux Lyon Days !